Métavers & Formation : entretien avec Alain Goudey

NEOMA devient la première école en Europe à créer son campus virtuel en 2020. On aurait pu penser que l’urgence du contexte pandémique était la raison principale des réflexions de l’école autour de l’innovation pédagogique et l’adoption d’un campus virtuel. En réalité, les explorations ont débuté dès 2018. Alain retrace les grandes étapes.

  • Pourquoi vous êtes vous intéressés aux mondes virtuels ?

Comme tu le sais déjà, NEOMA est une école multi-campus (Reims, Rouen, Paris). Dès mon arrivée et en parallèle de la création de la Direction de la transformation digitale, une question m’a été adressée : 

“Comment créer une expérience pédagogique unifiée avec des étudiants géographiquement distants ?”

Et ça c’était déjà début 2018.

  • Pour certaines organisations cela peut paraître très prématuré, pourquoi y avoir réfléchit aussi tôt ? 

La multiplicité de nos campus était une raison principale, nos ambitions à l’international également. Mais l’élément primordial reste celui de savoir outiller les formateurs avec les bonnes solutions et offrir une meilleure expérience d’apprentissage quel que soit le contexte.

Et dès 2019, en France, l’année scolaire est bousculée par une crise sociale (grèves et manifestations), et notre campus parisien est alors souvent sujet à toutes ces perturbations. Ce qui nous pousse à rapidement réfléchir à l’expérience de nos apprenants à distance. On travaille alors conjointement avec l’équipe du Learning Lab dirigé par Marie-Laure Massue et très vite on voit 2 grandes familles de solutions se distinguer.

Les outils de visioconférences, très récemment lancés sur le marché à l’époque aussi, car Teams c’est fin 2015. Et enfin, les mondes virtuels, dont Second Life qui prônait déjà quelques expérimentations dans l’écosystème de l’éducation 10 ans auparavant.

  • On arrive à 2020, l’année du COVID, le confinement, et l’édition virtuelle inédite de Laval Virtual… 

Exactement, NEOMA étant active dans le domaine de la XR depuis 2016 avec quelques travaux étudiants, nous avions déjà des échanges réguliers avec l’écosystème Laval Virtual.

Je me décide à m’inscrire et à télécharger Virbela. En quelques minutes seulement j’ai 2-3 personnes de mon réseau qui m’ont reconnu sous mon avatar et sont venu vers moi très heureux de me “voir”. C’est là où j’ai compris la vraie force de ce type de technologies : les notions de sérendipité et d’imprévu. C’est bien à ce moment que le déclic s’est fait ressentir, il y avait un plus, en comparaison à un outil de visio. Je ne savais pas encore l’expliquer mais mon expérience a servi de déclencheur pour initier la création du 4ème campus de l’école : entièrement virtuel et à destination de l’ensemble de la communauté NEOMA : 10,000 étudiants, professeurs et staff, 24h/24 et 7j/7.

  • Je me souviens, la création du campus et le déploiement sont allés relativement vite. Quels ont été les éléments qui ont facilité le lancement du projet ? 

On a cette force inhérente à NEOMA et cette chance d’avoir des équipes en charge de l’innovation, une dédiée à l’exploration et l’autre au déploiement. En partenariat avec l’équipe de Komodal, nous avions surtout besoin d’un support technique ainsi que d’une vraie expertise de facilitation avec l’éditeur américain. Nous avons pris notre décision sur la première moitié de l’année et tout début Septembre on organisait les premiers événements pour nos étudiants.

iceberg : illustration métaphorique du métavers
  • On en est à plus de deux ans d’utilisation : comment décrirais-tu l’évolution de vos usages depuis ? Quel stade de maturité pour NEOMA aujourd’hui ?

Dès le départ nous nous donnions un objectif de persistance du campus, il était hors de question d’avoir une démarche “one-shot”, trop peu intéressante pour créer une véritable expérience. La vision derrière le projet était d’étoffer la boîte à outils de l’enseignant et des formateurs, pour arriver à cet objectif de départ : pouvoir enseigner à distance avec une expérience pédagogique unifiée.

Alors aujourd’hui on peut dire que les habitudes commencent à être prises en termes de design d’expérience pédagogique. On a surtout de plus en plus de professeurs qui se posent des questions sur le comment intégrer le monde virtuel dans une démarche pédagogique, et aujourd’hui on a ces réponses.

Donc demain, si nous devions changer de solution et explorer une nouvelle plateforme, nous parlerions plus d’un déménagement que d’un nouveau déploiement et une nouvelle acculturation technologique; celle-ci étant déjà acquise dans l’Ecole.

     

  • Et donc concrètement, aujourd’hui on y fait quoi dans le campus virtuel de NEOMA ? 

On dispense des cours !

De manière banalisée et régulière : on peut rassembler jusqu’à 1000 étudiants, notamment sur des grandes masterclass à distance ; des réunions d’équipes internes ET étudiantes, des soutenances de fin d’études, et surtout toutes les initiatives associatives étudiantes qui y prennent vie (expositions photos, jeux d’onboarding, concerts…). Pour les formats à distance et descendants on privilégie la visioconférence, qui est très efficace pour cela.

En réalité, cela résonne fortement avec cette vision première qui était d’intégrer le campus virtuel comme un vrai lieu, à l’image des campus physiques. Nous pouvons réserver une salle, reproduire des espaces de la vie étudiante… Récemment avec l’intégration du SSO* nous arrivons à une expérience plus unifiée et surtout nous sommes allés jusqu’à créer des règles de vie du campus virtuel tel que nous le faisons sur nos campus physiques et leur règlement intérieur.

  • As-tu en tête une belle réussite en termes d’usage à partager avec nous ?

Un de nos meilleurs cas d’usage reste notre VIP international day, qui nous permet de réaliser une rencontre avec tous nos partenaires académiques à l’international pour les échanges universitaires. Autrefois fait en physique, peu de partenaires étrangers pouvaient se déplacer et surtout, les étudiants ne pouvaient pas tous les rencontrer. Aujourd’hui c’est plus de 350 étudiants, 50 partenaires représentés, et surtout de vraies rencontres avec un impact carbone très faible.

Je peux aussi citer d’autres événements pédagogiques réussis tel que le International Case Competition : une opération multiprogrammes et multicampus avec plus de 400 étudiants à travailler sur un cas d’étude en équipe, sur 2 jours et un pitch final à réaliser face à un jury. Cela implique une équipe pédagogique de 10 professeurs et reste une très belle expérience pour nos étudiants.

Ce sont typiquement deux usages qui nous donnent à nouveau une bonne idée du niveau de maturité de notre déploiement. Nous ne pourrions pas faire marche arrière ici et proposer ces rassemblements à nouveau en physique, cela n’aurait pas de sens, la formule virtuelle est bien plus intéressante. Notre campus virtuel ne remplacera jamais nos campus physiques, à NEOMA nous cherchons à tirer le meilleur parti des technologies pour augmenter la pédagogie et la qualité des apprentissages.

  • Je te propose de conclure sur une touche plus fun, aurais-tu une anecdote drôle à nous raconter ?

J’en ai plein ! Mais certaines que je ne pourrais pas divulguer 😉

Celle que j’aurais envie de vous partager et qui m’a fait sourire c’était quelques jours après Noël, un 27 décembre pour être exact. J’opérais une démo du campus virtuel à des amis et un 27 décembre je me connecte en me disant qu’il n’y aura personne. Et là je tombe nez à nez avec des étudiants qui s’étaient eux aussi rencontrés par hasard quelques minutes avant. On a alors commencé à discuter tous ensemble de manière complètement improvisée.

C’était génial parce que sans planifier de rencontrer du monde, on croise des personnes intéressantes et des échanges pertinents : ça a pris 15 min de discussion, comme on peut en avoir sur un vrai campus.

* SSO : Le SSO, Single Sign-On, est un système d’authentification qui permet à un utilisateur de se connecter à plusieurs applications ou sites avec un mot de passe unique qu’il aura renseigné à sa première connexion. Le SSO offre donc un accès sécurisé aux applications de l’entreprise.